L’accélération d’un corps est égale à la force qui agit sur lui divisée par sa masse.
Cette loi peut-elle etre vérifiée par l’expérience? Pour cela, il faudrait mesurer les trois grandeurs qui figurent dans l’énoncé: accélération, force et masse.
J’admets qu’on puisse mesurer l’accélération, parce que je passe sur la difficulté provenant de la mesure du temps. Mais comment mesurer la force, ou la masse? Nous ne savons meme pas ce que c’est.
Qu’est-ce que la masse? C’est répond Newton, le produit du volume par la densité. - Il vaudrait mieux dire, répondent Thomson et Tait, que la densité est le quotient de la masse par le volume. Qu’est-ce que la force? C’est, dira Kirchhoff, le produit de la masse par l’accélération. Mais alors, pourquoi ne pas dire que la masse est le quotient de la force par l’accélération?
Ces difficultés sont inextricables.
(…)
Nous voici donc, pour reconnaitre l’égalité de deux forces, en possession de deux règles: égalité de deux forces qui se font équlibre; égalité de l’action et de la réaction. Mais, nous l’avons vu plus haut, ces deux règles sont insuffissantes; nous sommes obligés de recourir à une troisième règle et d’admettre que certaines forces comme, par exemple, le poids d’un corps, sont constantes en grandeur et en direction. Mais cette troisième règle, je l’ai dit, est une loi expérimentale; elle n’est qu’approximativement vraie; elle est une mauvaise définition.
Nous sommes donc ramenés à la définition de Kirchhoff: La force est égale à la masse multipliée par l’accélération. Cette “Loi de Newton” cesse à son tour d’etre regardée comme une loi expérimentale, elle n’est plus qu’une définition. Mais cette définition est encore insuffisante, puisque nous ne savons pas ce que c’est que la masse.
(…)
Il ne reste donc rien et nos éfforts on été infructueux; nous sommes acculés à la définition suivante, qui n’est qu’un aveu d’impuissance: les masses sont des coefficients qu’il est commode d’introduire dans les calculs.
Taken from La science et l’hypothèse by Henri Poincaré.