Back to Home

L'Atelier

Posted in: French

L’atelier tirait son jour par deux soupiraux. Un soir, je l’avais épié.

Depuis longtemps me fascinait l’image de Durtail étendu tout seul dans la nuit sur ses copeaux. C’était un soir d’été, tard sur le baisser du jour. Et j’étais au soupirail - risquant de recevoir à la tête son maillet, si seulement il avait aperçu mon ombre… L’atelier n’était que ténèbres.

Mais soudain brilla la lueur d’un briquet. Oh! Il m’apparut, en effet étendu sur ses copeaux, et son petit visage tout embrasé comme celui d’une idole, dans la fumée du tabac qui l’enveloppait comme d’un encens.

La lueur du briquet répandait sur ses joues creuses un feu d’une riche splendeur, ses yeux semblaient immenses, tout illuminés d’une vie surnaturelle, peuplée d’éclats bougeants, comme des reflets multipliés des lampes dans la profondeur d’une eau. A peine distinguais-je les contours de son visage. Le front, le menton appartenaient en même temps à l’ombre et à la lumière, mêlant d’une manière incompréhensible leurs contraires… Le briquet s’éteignit, il ne subsista plus, dans l’ombre de ce cachot, que le petit rond incendié de la pipe, comme une braise ardente, sur un tout petit fourneau…

Taken from “Le pain des rêves” by Louis Guilloux.