Des patients, encore et encore. Jusqu’à ce couple, qui nous marque. “Des crèmes”, dit d’eux l’infirmière. Le mari, 86 ans, a subi trente anesthésies, il a eu un cancer du colon et des problèmes de rein, le voilà bardé de sondes et de poches, installé sur un lit hospitalier à télécommande dans une chambre envahie de boîtes de fournitures médicales.
Nathalie s’adresse d’abord à sa femme, 83 ans: “J’ai un message de madame B qui vous embrasse. Donc je vous embrasse!” “Vous le lui rendrez! Elle m’appelle souvent pour savoir où on en est.” Puis l’infirmière s’active autour du malade, secondée par l’épouse, qui trotte d’une pièce à l’autre, cuvette ou bas de contention à la main. “C’est moi qui ai réparé, là, le petit fil bleu. Je ne sais pas si j’ai fait comme il faut?” “Mais si, je vous donne le diplôme d’infirmière!” Les trois enfants, neuf petits-enfants, six arrière petits-enfants, sont très présents se relayant les uns les autres. “Je me campronne, confie la vieille dame. Tant que je tiens le coup, on restera là, on est tellement bien, quand il fait beau on profite du balcon. Avec les poches attachées aux jambes, mon mari peut venir s’y installer.”
On perçoit, tout proche, l’épuisement. “Le jour, la nuit, ça éclate, ces poches. Faut être là, nettoyer, tenir le coup. Il y a des femmes qui prennent le large. Nous, on fêtera nos soixante années de mariage en juillet.” Depuis son lit, le mari a entendu. “Heureusement que j’ai une femme comme elle, elle en fait becaucoup, beaucoup”, murmure-t-il, ému. Ces deux là, l’infirmière les chérit. “La femme fait tout, elle est toujours gentille, douce. Il y a vraiment des gens exceptionnels. Lui aussi, qui subit tout cela. On sent l’amour entre eux.”
Taken from “Une année en France”, “Le Monde”.